Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Tout autour du vin
26 mars 2009

le moral dans les chausettes !

Je réalise de plus en plus à quel point le métier de viticulteur est difficile. Ou plutôt non ... nombre de métiers sont difficiles parce qu'exigeant physiquement ou intellectuellement. Mais le problème n'est pas là. La question est de savoir ce que vous rapporte ce métier. Tout le monde est prêt à prendre des risques, à travailler beaucoup et à s'investir si il reçoit en échange une rémunération à la hauteur de ses efforts et/ou une reconnaissance publique.

Le problème est qu'aujourd'hui ce n'est plus le cas pour la grande majorité des viticulteurs bordelais (et pas seulement). Oublions les quelques 20, 50 ou 100 crus dont la notoriété (nous y reviendrons une autre fois) leur permet de "jouer dans une autre catégorie". On ne compare pas Kenzo et H&M ! Mais pour les autres... Je pourrais parler pendant des heures des raisons du marasme actuel. Certes des facteurs conjoncturels viennent aggraver des problèmes structurels. Mais, en fin de compte, le résultat est là : ce travail est mal payé ! On me trouvera toujours des contre exemples mais il n'en reste pas moins vrai que :

1- les coûts de production ont augmenté considérablement depuis 8 ans : 35 heures (+11% du jour au lendemain), approvisionnements (piquets, fil de fer, barriques, bouteilles, bouchons...)

2- l'exigence de qualité a elle aussi augmenté. Que ce soit en france ou ailleurs, les consommateurs et surtout les acheteurs veulent des vins : fruités et puissants, colorés et concentrés, buvables jeunes mais qui vieillissent, avec des médailles et des articles de presse voire des notes de la part des plus grands dégustateurs. Le tout dans une présentation irréprochable, sobre mais classe, moderne tout en respectant la tradition.... Tout cela coûte cher... Aujourd'hui, à Bordeaux, dans la majorité des propriétés, faire un grand vin (je ne parle pas d'un vin sympa mais d'une grande bouteille) coûte au bas mot 10000 à 15000 € par hectare. Sachant que pour produire un grand vin il ne faudrait pas dépasser les 45 hl/ha (soit à la fin 6000 bouteilles). Ce qui fait donc près de 2,50 € la bouteille. Et alors me direz vous ???  Oui mais là vous n'avez pas encore passé votre vin en barriques (+ 1 €) ni mis en bouteille (+ 0,8 €). On en est à 4,30 €. Et après ??? Vous faut il rembourser le capital investi ? Vous faut il investir pour l'avenir ? Devez vous voyager et faire des salons pour vendre votre vin ? et .... souhaitez vous percevoir une rémunération....? Donc faire un grand vin coûte très cher. On me dira qu'il suffit alors de réduire ses coûts en faisant un bon vin simple, fruité, souple, sympa. Oui mais... qui vous l'achètera ? Vous vous retrouverez alors noyé dans la masse des vins et vous n'aurez pas la qualité suffisante pour sortir du lot et éveiller l'intérêt des acheteurs. Plus de 10000 marques à Bordeaux, 800 millions de bouteilles ... Comment sortir du lot si ce n'est par la qualité ? Mais je viens de vous montrer que la qualité a un coût très élevé. Et que en dessous de 5 € HT de prix de vente moyen sur l'ensemble de la production (je ne parle pas du tarif particulier), point de salut. Certes il faut modérer tout cela en fonction de la taille de la propriété et de beaucoup d'autre facteurs. Il n'en reste pas moins, et c'est ce que je voulais démontrer, que la propriété familiale de taille moyenne dans une AOC moyenne est condamnée. On peut le déplorer, certains prouvent le contraire mais la réalité est là ! L'avenir est aux grosses structures ou aux crus connus et reconnus !

3- la distribution s'est concentrée. En france, la GMS et les Hard Discounter représentent près de 80% de la consommation à domicile. Je n'aime pas cette habitude de taper sur le dos des géants de la distribution pour expliquer nos difficultés. C'est simplement un état de fait, la règle des 80/20. 80% du marché est dominé par quelques groupes et il faut, pour s'adresser à eux, jouer le jeu c'est à dire être d'un taille significative. En bref, pour travailler efficacement avec carrefour, mieux vaut s'appeler Nestlé ou Coca Cola (voire Castel pour le vin) que "chateau tartenpion". Et c'est vrai en Angleterre, aux USA ou au Japon.

Je me rends compte que mon article pourrait faire 10 pages voire un livre entier. Je voulais simplement attirer l'attention du lecteur, tel qu'il soit, sur la réalité de la crise viticole et la nécessité pour les producteurs de prendre en compte ces évolutions dans leur choix stratégique et leur choix de vie !

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité
Tout autour du vin
Newsletter
Publicité